Dimanche matin, Brattleboro, 4h15, le cadran sonne. J'ai quand même réussi à dormir quelques heures. Il fait beau mais c'est très froid dehors. Tout près du point de congélation. Déjeuner habituel: un bagel et du beurre d'arachides. Pas de café de peur d'avoir mal au ventre et d'arrêter uriner tous les cinq kilomètres (ce que je ferai pareil).

Nous avions un 20 minutes de voiture à faire pour nous rendre à Keene, New Hampshire, pour la 38ème édition du Clarence DeMar Marathon. C'était l'endroit et l'événement idéal pour célébrer notre anniversaire de mariage. Un autobus nous attendait pour nous amener à l'école primaire de Gilsum, tout près de la ligne de départ du marathon.

J'adore l'ambiance des petites courses. C'est un bon endroit pour rencontrer des gens super intéressants. La veille de la course, il y avait un souper de pâtes avec un conférencier. À notre table, il y avait un homme d'origine israélienne qui vit à Atlanta depuis plusieurs années. Il s'est mis à courir il y a six ans et s'est donné comme objectif de courir un marathon dans chacun des états. Il en était à son 31ème et il avait fait le marathon d'Anchorage, en Alaska, un mois plus tôt. Cet homme dans la soixantaine fut une inspiration pour nous. Dans l'autobus, le lendemain matin, l'homme assis à côté de moi en était à son 46ème marathon. Ensuite, pendant qu'on se réchauffait dans le gymnase de l'école avant le départ, j'ai discuté avec une femme, mère de 5 enfants dont des jumeaux de 6 ans, qui tentait de se qualifier pour Boston. Pendant la course, nous avons croisé un homme qui était au même hôtel que nous et avons pu jaser un peu avec lui avant de poursuivre notre chemin. Le côté social de la course est important pour moi. Plus la distance augmente, plus tu as le temps de jaser. 

Vers 7h40, les gens commencent à se diriger vers la ligne de départ. Il fait encore très froid. Vive les brassards (arm warmers) et les gants. Edith avait un petit manteau que je lui enviais secrètement. J'avais apporté mon sac Osprey Rev 6 avec le réservoir d'eau. C'est le sac qui allait contenir les différentes couches de vêtements que nous allions enlever au cours de la journée. Malgré la présence de points d'eau à tous les 3 km, je voulais courir avec mon sac pour deux raisons:

  • J'aime pouvoir boire quand j'en ressens le besoin, pas juste aux points d'eau;
  • Ça faisait une bonne pratique pour le Bromont Ultra où j'aurai ce sac sur moi pour une bonne partie de la course.

En plus, ça me permettait d'y mettre mes jujubes maison, mes barres Fruit3 de Xactnutrition, mes comprimés de sel, mon téléphone, un buff, etc.

8h00! Après la bénédiction du prêtre de Gilsum, le départ est donné. Comme ça descend, le rythme est assez bon en partant. Edith et moi partons assez en arrière car nous ne sommes pas très rapides. Depuis le moment où nous nous sommes inscrits, nous avons fait le choix de courir ensemble tout le long du marathon. C'est notre sortie de couple et notre temps nous importe peu. Tout ce qu'on veut c'est finir la course ensemble et si possible avec le sourire. On s'est tout de même dit que ce serait le fun de terminer sous les 5 heures. Le temps est magnifique, tout comme le sourire d'Edith et la fierté dans ses yeux.

La première moitié du parcours est composée de petits chemins de campagne. On suit une rivière pendant plusieurs kilomètres. La vue est magnifique. Aux alentours du 16ème kilomètre, nous arrivons à une digue. Les montagnes se reflètent dans ce plan d'eau calme. C'est le bonheur total. Certains coureurs commencent à ralentir et à avoir quelques difficultés. De notre côté, tout se passe bien et pour les 10-12km suivants, nous échangerons plusieurs fois de position avec un groupe de trois filles bien sympathiques. C'est aussi dans cette section qu'on rencontre nos premières bonnes montées. Vers la fin de cette section, il y avait une femme avec des problèmes de crampes sur le bord de la route. Edith et moi lui avons donné une capsule de sodium et une barre Fruit2 pour lui donner un coup de main. Nous ne l'avons pas revu après la course alors je ne sais pas si ça lui a aidé. 

Une photo publiée par Eric Côté (@talanis) le

Au km 25, Nous arrivons dans la section urbaine de la course. Le paysage est beaucoup moins beau mais il y a des gens un peu tout le long du parcours qui nous encouragent. Notre allure est relativement constante depuis le début. Un peu plus lente en montant et plus rapide en descendant. Nous commençons à dépasser plusieurs coureurs. Nous croisons notre ami d'origine israélienne rencontré la veille. Comme nous, sa course se déroule bien et son humeur est aussi bonne que la nôtre.

Plus de la moitié de fait

Au km 32, On commence à pousser un peu plus. Je suis hyper motivé par la chanson d'Eminem qui joue dans mes écouteurs (Love the way you lie). Rhihanna me fait sourire quand elle chante I like the way it hurts. Yep! Ça correspond assez bien. Cette section de la course est sur une piste cyclable qui passe sous l'autoroute avant de traverser une rivière. Très jolie. La côte à la fin de celle-ci l'est pas mal moins par contre... Hé! Hé!

Edith commence à avoir un peu mal au ventre après le troisième gel qu'elle vient d'avaler. Je pense qu'elle n'a pas pris assez d'eau pour faire passer ça. De mon côté, ma deuxième barre Fruit3, qui contient de la caféine, me donne un boost d'énergie peut-être un peu trop grand. Je me fais penser à Alvin dans les Chipmunks. Je parle sans arrêt et mes blagues ne sont pas toujours drôles. Edith esquisse encore des sourires mais je sens aussi que je suis sur le point d'avoir une taloche derrière la tête pour m'arrêter de parler.

Au 36ème kilomètre, nous arrivons dans le cimetière de Keene. Ça peut paraître bizarre de courir dans un cimetière mais c'est très reposant... jusqu'à temps d'arriver dans la côte qui monte à la chapelle. À ce moment, il reste environ 5km à la course mais cette côte nous fait souffrir. Nous ne sommes pas les seuls. J'ai l'impression qu'elle a coupé les jambes de beaucoup de gens car nous avons passé pas mal de coureurs par la suite. C'est fou comme les derniers 5km d'un marathon passent beaucoup plus lentement que les premiers. Edith semblait complètement vidée mais elle ne ralentissait pas. En fait, la vitesse de chacun de nos 5 derniers km était plus rapide que notre vitesse moyenne du marathon. Dans les deux derniers kilomètres, mes jambes étaient en béton. Je n'avais aucun problème au niveau du cardio ou des réserves d'énergie mais je n'avais plus de jambes. Les Cheerleaders et la vue de la ligne d'arrivée nous ont donné un bon boost d'énergie pour finir la course. Edith a éclaté en sanglots. Pleurs de joie et de fierté, je pense. Ce fut un câlin très confortable.

J'aimerais dire un gros merci aux gens qui ont placé des petites affiches en carton rose tout le long du parcours avec toutes sortes de choses écrites dessus. Plusieurs nous ont fait beaucoup rire, surtout dans les derniers kilomètres comme:

  • Suck it up, Buttercup;
  • Blisters are Braille for Awesome;
  • Who needs toe nails anyway.

Qu'est-ce qu'on fait une fois la course terminée? On mange! Évidemment! Il y avait de la bonne soupe chaude au buffet d'après course. Les classiques bagels, bananes et melons d'eau aussi. Je crois que ça fait autant du bien au moral qu'au physique de manger de la vraie nourriture après une course. Après quelques étirements, nous sommes allés voir nos résultats officiels (4h44) et encourager les derniers coureurs à passer le fil d'arrivée. Un gars qui était près de nous au départ est arrivé avec un temps d'environ 5h55. J'ai énormément de respect pour lui. Imaginez: Il a souffert autant que les autres coureurs (et même probablement plus) pendant près de 6 heures et il n'a pas abandonné. C'est impressionnant de voir quelqu'un terminer un marathon en 2h25 mais ça l'est autant de voir des gens terminer en 6h00 parce qu'ils ont soufferts encore plus longtemps et ont dû puiser très loin à l'intérieur d'eux-même pour trouver la force de continuer et de terminer. Bravo!

Qu'est-ce que je retiens de cette course?

Tout d'abord, je suis content de notre gestion de course. Nous ne sommes pas partis trop vite, ni trop lent. Le plan d'entraînement que j'avais établi pour Edith et moi était bon. J'avais un petit avantage sur Edith à cause de mes courses en sentier et du volume d'entraînement supérieur que j'ai fait pour le Bromont Ultra. Une des bonnes différences, je crois, ont été les entraînements back to back qui m'ont habitué à courir sur des jambes fatiguées. Edith a bien suivi son programme et a réussi son marathon de très belle façon.

Le marathon, c'est difficile, mais pas deux fois plus difficile qu'un demi-marathon... si l'entraînement a été bien fait et si la stratégie de nutrition pendant la course est bonne. La nutrition est d'ailleurs une bonne différence avec le demi-marathon. Sur le demi, tu peux t'en tirer avec de l'eau et du Gatorade. Sur le marathon, ça prend un peu plus de choses pour éviter de frapper un mur.

Peu importe l'événement et la distance, une course me donne toujours une sensation incroyable. C'est une belle drogue douce qui me procure beaucoup de bonheur. Vive les endorphines.

À chaque fois que je cours avec Edith, je redécouvre comment elle est forte mentalement. Je crois qu'elle l'est beaucoup plus que moi et ça lui servira beaucoup en ultra-marathon. Elle a toujours été entêtée, elle tient ça de son père d'ailleurs. Mais depuis son premier demi-marathon, en 2013, je crois qu'elle a pris conscience de cette force intérieure qui lui permet de relever tous les défis qu'elle veut. C'est maintenant avec une facilité déconcertante qu'elle accepte mes idées de fou comme de s'inscrire à ce marathon que nous avons fait dimanche dernier. En septembre 2016, ce sera ensemble que nous relèverons le défi d'une course de 65km en montagne à l'Ultra-Trail Harricana.

Ce que je retiens de ma course (Edith)

Je crois qu'Eric a très bien résumé notre expérience. J'ai du puiser pas mal plus au fond de moi-même que lui autour du 34e kilomètre. "Dig deep" comme le dit si bien mon ami Shaun T. D'autant plus que c'était plutôt difficile de focusser et rester dans ma bulle avec un Chipmunk hypercaféiné à mes côtés. J'avais l'impression de revivre mes accouchements (Eric faisait des blagues avec les médecins et infirmières). S'il n'avait pas été là, je crois que je me serais ralentie. En plus, j'étais chanceuse, il a transporté quelques vêtements et même une de mes gourdes lorsque je l'ai vidée. Une vraie princesse. Je n'ai jamais été dérangée par sa plus grande forme physique car je sais tout l'entrainement qu'il a fait et je savais qu'il ne voulait pas se bruler pour l'ultramarathon. De plus, son attitude positive et sa motivation m'ont aidée à tenir le cap.

Je suis fière de ma course même si je me suis un peu trop vantée me sentir bien à 25 kilomètres. Je me suis rappelée souvent que j'avais choisi d'être là, qu'un marathon c'est quand même normal d'être souffrant. J'ai réussi à faire ma course sans me soucier des autres qui passaient à côté de moi. Il y a toujours un petit côté de moi qui n'aime pas arriver dernière mais plus les distances augmentent, plus je me détache de ça. Je fais les courses pour l'ambiance et non la compétition. Je fais ma course.

Je suis contente d'avoir poursuivi mon entrainement. D'y avoir mis le temps. Même si pour certains tout ce temps peut sembler égoïste pour une mère de trois enfants. Je suis contente d'avoir eu cette discipline. Merci à Eric qui a bâti mon programme d'entrainement. Je pouvais compter sur ma préparation. La température était de notre côté. Je ne sais pas comment j'aurais réagi à une journée pluvieuse et froide mais j'ai apprécié autant la préparation depuis 4 mois que la course. J'ai appris, j'en ai encore à apprendre.

Je me souviendrai beaucoup de l'encouragement des coureurs entre eux. Chacun se félicitant durant et après le parcours, faisant connaissance avant le départ. Des coureurs de tous les âges, avec le but de se dépasser, rapides ou non. 

Je me remets vraiment plus lentement physiquement que je ne le croyais. Je suis encore bien émotive face à ce défi. Maintenant, je regarde vers le prochain. Tout un défi pour moi. Mais je refuse de me dire que je suis incapable. Je le fais trop souvent. La course m'apporte probablement bien plus que je pense finalement.

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