C’est fait! J’ai complété mon premier 100k. C’était même 110km pour être plus précis et ce fut toute une aventure.
Nous sommes partis jeudi midi de Sherbrooke et avons couché au parc national du Bic. Quel endroit superbe! Je devrai y retourner pour découvrir les sentiers. D’ailleurs, pendant que j’écris ça, Edith est partie courir. Nous sommes lundi matin et nous avons encore une fois couché ici la nuit dernière.
Chaque fois que je vais dans le Bas St-Laurent et en Gaspésie, je redécouvre toute la beauté de ces régions. Ça faisait 20 ans que je n’avais pas été aussi loin que le parc Forillon et c’est magnifique. La nature nous en a mis plein la vue avec ses belles couleurs d’automne. Je suis passé récupérer mon dossard et j’ai ensuite croisé quelques amis à la cérémonie officielle à Gaspé. C’était le fun de rencontrer Louis, un ami Facebook depuis 6-7 ans en raison de notre passion commune pour la photographie. C’était aussi le fun de revoir des amis de trail comme Fred et Murielle. Après la cérémonie, j’ai tenté de dormir un peu. Je crois avoir attrapé 1h30 de sommeil avant que le cadran sonne, à minuit.
Minuit. C’est vraiment tôt pour se lever mais nous avions une trentaine de minutes de voiture à faire pour rejoindre le départ. Je suis passé chercher un café au Tim et j’ai déjeuné dans la voiture en me rendant au site de la course. J'avais décidé de porter mes Altra Lone Peak 3.0 pour la course parce que je savais que j'aurais besoin d'une semelle un peu plus épaisse pour protéger mes pieds sur cette longue distance. J'avais aussi décidé de ne pas prendre mon sac d'hydratation et de plutôt utiliser la Naked Running Band. C'est une ceinture d'hydratation avec beaucoup d'espace de rangement mais qui ne saute pas quand on court. Tout reste bien en place. J'y avais mis deux gourdes de 500ml, 1500 kcal de bouffe, mon coupe-vent et le reste du matériel exigé.
Notre départ était à 2h du matin. Nous étions 12 braves, un peu débiles, à nous élancer sur le parcours. Jacques nous dit : « Tournez à gauche en haut de la côte ». À cette heure, personne n’est complètement réveillé alors on a pris à droite. Les petits fanions étaient placés pour la fin de la course et non le départ. Heureusement, quelqu’un a allumé et nous avons rebroussé chemin. Bof! 1,5km de plus, ça ne change pas grand-chose… haha. Nous sommes donc repassés au départ et le temps officiel du début de la course a été ajusté à 2h22.
J’ai fait la première section avec Nathalie, de Victoriaville. C’est toujours plaisant de rencontrer de nouvelles personnes. Elle avait une bonne vitesse et était rapide en descente. C’est le fun de pouvoir courir avec quelqu’un la nuit.
La seconde section commençait avec une bonne montée. C’est là que j’ai compris que tout le D+ fait cette année a été payant. J’avais une bonne vitesse en montée et j’ai rejoint Jacques et Yan, avec qui j’ai fait presque toute la seconde section pour arriver au CP2.
La troisième section était très rapide. Un 9km vers le CP3 sur un chemin de gravier qui sert aux piétons, vélos et chevaux. En arrivant au ravito, j’étais vraiment content de voir une bécosse. Je vous épargne les détails. Le 9,8km du retour était roulant aussi mais avec un peu plus de montée. Je suis arrivé au CP2 pour la seconde fois vers 7h20 du matin. À ce moment, j’avais environ 30-35 minutes d’avance sur mon meilleur temps prévu de 16h40. J’avais commencé à ressentir une petite douleur à la bandelette ilio-tibiale gauche vers le 30ème km.
J’ai pu voir Édith pour la première fois. En arrivant, je lui ai demandé de me faire un taping pour la bandelette, ce qui a été difficile sur des jambes en sueur. Je suis ensuite reparti sur la section la plus longue : 18km avant le prochain ravito, au CP4. Le départ du 50k avait été donné environ 30 minutes avant et je savais que je croiserais les coureurs dans cette section. Le premier que j’ai vu était Emmanuel Joncas, tout sourire, qui filait à une vitesse folle. Il était 8h18 le matin et il devait avoir déjà au moins 15 minutes d’avance sur le second coureur. C’est lui qui gagnera le 50k plus tard dans la journée.
J’ai croisé mon ami Louis et nous avons pris une ou deux minutes pour jaser. Ça m’a fait beaucoup de bien mentalement et physiquement. Mon moral était encore super bon mais ça donne toujours un bon boost de croiser des amis. Physiquement, ça devenait de plus en plus difficile. Mon problème de bandelette empirait et j'avais de la misère à courir les descentes. Dès que la pente devenait trop prononcée, je devais marcher. Moi qui adore descendre… J’ai quand même parcouru le premier 50k en 6h56, ce qui est un record pour moi en trail. Je suis arrivé au CP4, à 57km, après environ 8h de course. J’avais encore de l’avance sur mon temps prévu mais j’avais des petits bobos qu’il fallait régler avant de repartir.
Edith m’a regardé bizarre quand je lui ai demandé une serviette sanitaire et du tape en arrivant au ravito. Ça faisait une dizaine de km que j’avais une douleur à l’extenseur du gros orteil droit et la pression du soulier à cet endroit était très inconfortable. Le problème est probablement apparu parce que je compensais à droite pour le problème de bandelette gauche. J’ai installé la serviette sanitaire sur le dessus de mon pied, mis de nouveaux bas et c’était plus confortable en rattachant mes souliers.
Au niveau de l’alimentation, ça allait moins bien. Mon tortillas au beurre d’arachide que j’avais mangé en repartant du CP2 n'avait pas passé. C’est pourtant une des choses que j’ai toujours aimée dans mes longues sorties et mes courses mais aujourd’hui, ça ne marchait pas du tout. Au CP4, ça devait faire déjà deux heures que j’avais des nausées. J’ai quand même continué à m’alimenter toutes les 20-30 minutes en variant les aliments. Il fallait vraiment que je me force à manger, ce qui n’est pas mon habitude… haha.
Yan, avec qui j’avais couru une partie de la nuit, a abandonné à ce ravito pour des problèmes de rein. Soigne-toi bien! Je sais que la décision est toujours difficile mais c’était la bonne. J’avais croisé Fred et Daniel juste avant mon arrivée au CP4 et je savais que Fred était blessé. J’ai quand même été surpris de le voir rebrousser chemin et abandonner lui aussi au CP4. C’est toujours plate de se faire sortir par une blessure mais tu reviendras plus fort l’an prochain.
Avec tout ça, j’ai passé près de 20 minutes au CP4 alors quand je suis reparti, toute mon avance avait disparu. J’ai croisé Nathalie à 1km du ravito. Elle avait encore l’air en super forme. Cinq kilomètres plus loin, j’ai croisé Karine, l’autre fille sur le 110km, qui avançait péniblement. Elle s’était fait mal à la cheville plus tôt et la douleur augmentait. Elle m’a dit qu’elle arrêtait elle aussi au CP4. Nous étions rendus neuf coureurs.
Cette section de 18km pour revenir au CP2 était la plus dure mentalement. C’est long et ça monte beaucoup. J’ai rejoint Jacques sur une montée et nous avons fait un bout de chemin ensemble encore une fois. J’avais de plus en plus de difficultés à descendre alors j’essayais d’en profiter pour courir plus sur les sections planches et les montées douces.
Je suis arrivé au CP2 pour la troisième fois vers 13h20, après un peu plus de 11h de course. J’avais déjà parcouru 75km. J’ai probablement passé un peu trop de temps à ce ravito. J’étais confortable à jaser avec les gens et content de voir Edith encore une fois. J’appréhendais beaucoup la section suivante. Je savais qu’elle commençait avec une montée longue et difficile. Je le savais car je l’avais descendue dans le noir plus tôt ce matin-là. Si la section que je venais de faire était la plus difficile mentalement, la suivante était la plus difficile physiquement. Ce qui m’a aidé à repartir, c’est un mot que ma fille m’avait envoyé et qui disait : souviens-toi que la douleur est éphémère mais que la fierté est éternelle. Je t’aime Sarah et c’est ton petit mot qui m’a permis de traverser les 12km suivants.
La montée a été très difficile mais j’ai été capable de repartir à courir rendu en haut. Ma vitesse moyenne était de plus en plus lente mais je continuais d’avancer. C’était devenu presque impossible de manger mais je me forçais quand même à avaler des choses régulièrement. Rendu au CP1, après environ 86km, j’étais épuisé. J’avais atteint ma limite. Edith m’a dit en blague : «Quand il n’y en a plus, il y en a encore». Je me suis forcé à avaler rapidement un bouillon de poulet et je suis reparti.
C’est là que le mental a été mis à dure épreuve. Le physique, quant à lui, était complètement fini. Il me restait 23 km à parcourir. Je savais que je pouvais physiquement le faire. Les doutes s’installent quand tu regardes ta vitesse de déplacement et que tu comprends que ce sera interminable. La dernière chose que j’ai réussi à avaler, c’est une bonne grosse gorgée de sirop d’érable. Il n’y avait plus rien à faire pour le solide et juste la vue du Gatorade rouge avec lequel j’avais rempli ma gourde au CP2 me levait le cœur. Les 8km me séparant du CP5 furent difficiles, surtout qu’il y avait beaucoup de descente et que mon genou gauche ne coopérait pas du tout. En passant, rendu là, il n’y a pas une seule parcelle de mes membres inférieurs qui ne faisait pas mal.
Juste avant d’arriver au ravito, Fred remontait l’escalier que je tentais de descendre. Quel bonheur de voir un ami qui est resté juste pour m’encourager. Il était beaucoup plus positif que moi et m’a donné des conseils qui m’ont aidé à finir la course. En arrivant au ravito, j’ai donné mes deux gourdes à Edith en lui demandant de les rincer et de ne mettre que de l’eau dedans. Ce ne sera que de l’eau jusqu’à la fin de la course. Il me reste un peu moins de 16km. Edith repart avec moi un petit bout mais elle n’avait pas de lampe frontale. Elle fait donc demi-tour et ira m’attendre plus loin sur le parcours.
J’avance péniblement mais sur les conseils de Fred, je profite du paysage. J’ai droit à un magnifique coucher de soleil sur la baie de Gaspé. C’est splendide et je me souviens que c’est une des raisons pour lesquelles je cours : voir ces endroits magnifiques. Quelques kilomètres plus loin, Edith vient me rejoindre et nous partons ensemble vers le bout du monde. Cette section du sentier est un beau single-track surplombant la mer. Ça doit être vraiment plaisant à courir… quand tes jambes sont encore capables de le faire. À un moment donné, Edith pousse un petit cri : il y a un ours à 3 mètres de nous, en plein milieu du sentier. En nous voyant, il entre doucement dans le bois mais ne va pas loin. En passant à côté, il grogne un peu alors on ne s’attarde pas. Le sentier descend sur la plage avant de remonter vers le phare du bout du monde. Et ça monte… encore… toujours. Je monte tant bien que mal. Je ne suis même pas essoufflé et ma fréquence cardiaque avoisine 100 BPM. Je n’ai tout simplement plus l’énergie pour la faire monter plus haut.
En arrivant au ravito, à côté du phare, je donne mon nom et mon numéro de dossard et continue d’avancer. Il faut descendre des escaliers pour aller au bout du sentier. Tout est relatif dans ce monde. Quand je vois l’affiche indiquant 375 mètres avant le bout du monde, ça me semble incroyablement long. Pourtant, j’ai déjà parcouru 102 km aujourd’hui. C’est la nuit. Le noir est absolu. On entend le bruit des vagues tout en bas et le son des phoques. En remontant, à mi-chemin, j’aperçois un banc et je m’assois, la tête entre les genoux. Edith a peur que ma course soit terminée mais elle n’en dit rien. Je veux juste prendre une minute de repos. Si j’arrêtais ici, ce serait grave? J’ai quand même couru plus de 100km, ma plus longue distance à vie. J’étais trop fatigué pour penser à ça alors je me suis relevé et j’ai recommencé à grimper l’escalier. J’ai croisé Jacques en arrivant en haut. Il avait l’air plus en forme que moi. J’étais content de le croiser encore une fois.
La gentille bénévole du ravito nous indique alors le chemin à prendre pour la dernière section. À ma grande joie, je n’ai pas à repasser par la dernière section technique. Le trajet passe par un chemin de terre pendant quelques centaines de mètres avant de reprendre le sentier. En rentrant dans le sentier, on arrive face au plus gros porc-épic que j’ai vu dans ma vie. Tellement gros que je pensais que c’était un bébé ours. Il est en plein milieu du sentier qui n’est pas très large à cet endroit. Tellement gros que c’est impossible de passer à côté. J’ai beau faire du bruit et essayer de lui faire peur, il me regarde et ne bouge pas. Quand j’approche, il se retourne et gonfle ses épines. On a perdu un bon 5 minutes à attendre que monsieur veuille bien se tasser un peu. Plus loin, on voit une maman avec son bébé. C’est vraiment la soirée des porc-épics.
Je croise le fermeur qui nous dit de faire attention à l’ours près du stationnement. Juste ce qu’il me fallait. Les ours ont toujours été ma phobie quand je vais courir en sentier. Heureusement, Edith est avec moi alors ça me redonne un peu de courage. On avance en chantant, en claquant des mains et en parlant fort. On ne voit pas d’ours avant le stationnement. C’est ici qu’Edith me laisse aller. Il me reste encore 3 ou 4 kilomètres à faire, seul, avec ma phobie des ours. J’entends Jacques siffler, il n’est pas loin derrière moi. Je décide donc de l’attendre et lui demande si ça lui dérange que je fasse la dernière partie avec lui. Au contraire, il est bien content et me propose de finir ensemble.
On repart donc en parlant et en claquant des mains de temps en temps. On ne reverra pas d’ours. Nous arrivons à l’embranchement qui nous mènera au fil d’arrivée. Qu’est-ce qui nous attend? Une dernière belle et longue montée. À cette heure, il ne reste que trois coureurs sur le parcours : Jacques, moi et Nathalie qui est quelque part derrière nous. On commence à entendre Jacques Aubin qui nous crie après, dans le micro, à l’arrivée. À un moment donné, les gens repèrent nos frontales et se mettent à crier. Il nous reste encore un petit bout dans le bois mais nous commençons à voir les lumières. Finalement, nous débouchons à une centaine de mètres du fil d’arrivée, sous les cris et les applaudissements des bénévoles, des amis et de nos familles. Jacques et moi terminons la course ensemble, complètement exténués mais heureux. Nous attendons Nathalie qui arrivera moins de 10 minutes plus tard. Ça met fin officiellement à l’ultra-trail du bout du monde. Sur 12 personnes au départ, 9 termineront la course dont une seule femme.
Roxanne m’offre une bière mais ça fait plus de cinq heures que je n’avale plus rien alors je n’en ai vraiment pas le goût. J’ai pris un peu de soupe aux légumes avec quelques craquelins mais je ne rêvais qu’à la douche et à mon lit. Après avoir jasé un peu avec les dernières personnes présentes, Edith et moi prenons la direction du camping. Évidemment, c’est elle qui conduit. Mes facultés sont affaiblies même si je n’ai pas pris d’alcool… lol.
Comme le monde est petit, j’ai croisé un couple, dans les douches du camping, qui avait couru le 50k et qui était resté pour nous accueillir. Merci pour les bons mots Jamie et Michael. C’était le fun de vous rencontrer. La douche fut bonne. Je vous dirais bien que j’ai dormi comme un bébé mais après 110km, c’est difficile d’être confortable. J’ai quand même réussi à fermer l’œil pendant près de cinq heures. Par la suite, j’avais juste hâte qu’Edith se réveille pour aller manger. 😉
Après un bon petit déjeuner dans une cantine super sympathique de Rivière-Aux-Renards, nous avons repris la route 132 en direction du parc national du Bic. Edith et moi avions pris congé le lundi. Le temps était gris et j’ai passé la moitié du trajet à dormir la bouche ouverte dans la voiture. En arrivant au Bic, Edith est allée courir pendant que je relaxais et préparais un petit feu de camp. Ce soir-là, la bière était bonne et bien méritée. Nous avons passé une excellente soirée, relaxe, en amoureux, devant un beau feu. Le lendemain matin, pendant qu’Edith était partie courir, j’ai commencé ce récit. Évidemment, il est déjà beaucoup trop long. Je ferai un autre article pour vous parler de ce que j’ai appris dans cette course. Je dois encore prendre le temps de décanter et analyser tout ça.
Je recommande l’Ultra-Trail du Bout du Monde à tous les amateurs de paysage, de beaux sentiers et de course. Le parcours est difficile mais tout de même roulant. Il y a des sections plus techniques, il y a un peu de boue, de roches et de racines mais ça se fait très bien. Les gens du parc Forillon sont formidables. L’organisation et les bénévoles ont fait un travail remarquable. L’accueil des gens, en région, est toujours impeccable. Les Gaspésiens sont chaleureux et sympathiques. Après m’avoir aidé toute la journée, Edith a vraiment le goût d’aller faire la course l’an prochain. Il y a tellement de belles courses que je n’aime habituellement pas répéter les mêmes mais je vous avoue franchement que ça me tente déjà de me réinscrire.
Pendant la course, j'ai eu beaucoup de temps pour réfléchir à mon objectif de 100 miles pour mes 50 ans en 2018. Il se pourrait que je remette le projet d'une année ou deux. Je n'ai pas encore pris de décision. Je pense que ce serait sage de faire encore quelques course de 80 à 100km pour mieux me familiariser avec ces distances avant d'augmenter. Mon argument principal pour cette option, c'est que les premiers 50km se sont bien passés. On ne peut jamais dire que c'est facile mais j'ai quand même fait mon meilleur temps en sentier sur cette distance, sans forcer l'allure et en restant confortable. Je dirais même que ça s'est bien passé jusqu'à 80km. Je vais prendre quelques semaines de repos pour guérir les bobos et ensuite, je reprendrai l'entraînement tranquillement. Je prendrai une décision en janvier prochain.
En résumé: 110km, 3500m de D+, Temps officiel de 18h48.