Je l'avoue, je suis féministe. J'avoue aussi que je n'aime pas les étiquettes. Je les trouve restrictives. En plus, comme on le voit depuis deux semaines, le débat se fait sur l'étiquette au lieu de se faire sur les vrais enjeux.
Ma définition du féminisme? L'égalité entre les hommes et les femmes. Je trouve ça quand même bizarre. Dans ma tête, ce n'est pas être féministe, c'est être normal. Je ne comprends tout simplement pas pourquoi certaines personnes peuvent se penser supérieures à d'autres ou vouloir des avantages basés sur leur sexe plutôt que sur leurs compétences.
C'est à l'université que j'ai réalisé que j'étais différent de certaines personnes. J'ai fait un baccalauréat en génie civil à l'université de Sherbrooke. Ma promotion était composée de 21% de filles. À l'époque, c'était beaucoup. Dans les promotions qui nous précédaient, ça tournait autour de 15-16%. Je n'ai aucune idée des ratios en ingénierie en ce moment mais ce n'est sûrement pas encore paritaire. Comment je voyais les filles qui étudiaient avec moi? Exactement de la même façon que les gars. Pour moi, il n'y a jamais eu de différence entre un gars ou une fille étudiant en génie. Pourquoi y en aurait-il eu une? Savez-vous où j'ai connu le sexisme à l'université? Lors d'activités organisées avec d'autres associations étudiantes à majorité féminine. J'ai vu des filles étudiant en service social venir me dire que j'étais sexiste parce que j'étudiais en génie et dans un même souffle dénigrer les filles étudiant avec moi. Trente ans plus tard, je ne comprends toujours pas cette attitude mais j'ai toujours su qu'elle contribuait au problème.
Je crois que mon côté féministe vient de mon éducation. De ma mère pour être plus précis. Ma mère venait d'une famille de quatre enfants: trois filles et un garçon. Seul mon oncle (qui était aussi le plus jeune) a pu faire des études universitaires. J'ai toujours su que c'était une des frustrations de ma mère. C'était une injustice pour cette femme qui aurait aimé étudier plus longtemps et faire une carrière professionnelle. À l'époque, c'était plutôt rare et probablement mal vu. Elle a toujours eu de la facilité à l'école et aurait aimé pousser plus loin. Mes frères et moi avons été élevés, conscient de cette injustice et donc conscient que ce n'était pas "normal". C'est probablement la raison majeure pour laquelle je n'ai jamais considéré qu'il puisse y avoir une différence entre un homme et une femme sur le plan intellectuelle et professionnel.
C'est bien beau tout ça mais qu'est-ce qu'on fait pour changer les choses? Certains choisissent de manifester ou s'impliquent auprès d'organismes. On peut aussi tout simplement vivre le féminisme au quotidien en espérant changer les choses autour de nous. Vous me traiterez de naïf et vous aurez peut-être raison... mais j'ai compris récemment que ça faisait une différence.
Il y a quelques semaines, ma fille nous racontait qu'une de ses amies était amoureuse d'un gars. Ma fille lui a dit d'aller le voir et de lui demander pour sortir avec elle. Son amie lui a répondu que ça ne se faisait pas... que ce n'était pas aux filles de faire ça. Ma fille trouvait ça ridicule comme réponse et lui a dit que c'était elle qui avait fait les premiers pas avec son chum. C'est là que j'ai compris que je faisais une différence. Pour ma fille, l'idée qu'elle ne puisse pas faire quelque chose parce qu'elle est une fille est complètement ridicule.
Pour le plus vieux de mes gars, quand il entend une histoire de sexisme (ou de racisme), il ne comprend tout simplement pas. Pour lui, il ne voit aucune raison pour laquelle une fille n'aurait pas accès aux mêmes choses que les gars. Dans sa tête, c'est comme quelqu'un qui roule à vélo sans casque: complètement ridicule et inacceptable. En fait, il ne comprend même pas que ça puisse exister. Laissez-moi vous dire que les questions et commentaires sur Donald Trump fusent de tous côtés en ce moment à la maison. Il a probablement hérité de ma naïveté.
Pour Edith et moi, il n'y a aucune différence entre ce qu'un homme et une femme puisse faire. D'ailleurs, il n'y a pas de tâches spécifiques pour les hommes ou les femmes à la maison. On cuisine tous les deux. C'est elle qui tond le gazon car je déteste ça. C'est moi qui fait le lavage car je travaille de la maison. On ne fait pas de ménage ni un ni l'autre et notre maison est bordélique... lol. Nos enfants ont été élevés de la même façon. Je n'ai pas élevé une fille et deux garçons. Nous avons élevé trois enfants. Les trois peuvent choisir les activités qu'ils veulent faire. Edith et moi allons les encourager à étudier dans le domaine de leur choix. Pour nous deux, c'est tout simplement normal.
Est-ce qu'on peut faire une différence? Peut-être qu'en élevant nos enfants sans préjugé, d'ici quelques générations, le mot féminisme n'aura plus sa raison d'être à part dans les livres d'histoire.