Le week-end dernier, Edith et moi étions au départ du 65km de l'ultra-trail Harricana du Canada. Ce fut une fin de semaine avec des hauts et des bas mais je crois qu'on peut en tirer beaucoup de positif.
Le premier point positif va à l'organisation qui est hors pair. Dès l'arrivée, vendredi, les indications étaient claires et ce fut très facile de récupérer nos dossards. Comme nous étions tôt, nous avons passé une partie de l'après-midi sur le bord du fleuve, à La Malbaie. Nous étions de retour sur le site en fin d'après-midi pour l'ouverture officielle et la conférence sur le côté féminin de l'ultra. Après avoir rencontré, en chair et en os, plusieurs amis Facebook, nous sommes allés nous coucher pour tenter de dormir un peu avant le départ de la navette, à 5h00 du matin.
Harricana est une course point-à-point et non une boucle. Nous devons prendre une navette qui nous amène au point de départ. Rendu là, comme mon ami Francis nous le faisait remarquer, tu n'as pas tellement le choix de revenir à pied. Le départ, pour le 65 et le 80km, avait lieu au parc des Hautes Gorges de la Rivière Malbaie, à 7h00 du matin. 400 personnes sur une ligne de départ, c'est beaucoup mais comme le début du parcours est sur la route, il n'y a pas d'embouteillage.
Le niveau de stress était élevé, surtout pour Edith. Ça allait bien pour la récupération de sa blessure à la bandelette ilio-tibiale mais au retour du Colorado, on a poussé un peu trop l'entraînement et la douleur est revenue. La randonnée dans les montagnes blanches n'a pas aidé non plus. Elle a donc été au repos actif pendant les deux semaines précédent la course. Même si elle était sous-entraînée en comparaison au Peak Ultra, je la savais mentalement capable de parcourir ce 65km mais la blessure était le gros point d'interrogation.
Le paysage au départ était magnifique avec le lever du soleil et la brume frappant le massif des hautes gorges. Le temps était frais, le ciel était bleu, on ne pouvait demander mieux. J'ai encore été surpris par la vitesse à laquelle les gens ont pris le départ. Nous sommes restés derrière pour respecter notre plan de course et éviter de mettre trop de stress sur la blessure d'Edith. Tout s'est bien passé dans la section sur l'asphalte et jusqu'au premier ravito. C'est une très belle section, sans doute la plus belle du parcours du 65km. Nous suivions une rivière et la brume du matin s'y accrochait encore.
Au 8ème kilomètre, ça commence à monter. Le sentier devient plus technique et ça monte doucement vers le deuxième ravito, à 22km. Nous traversons une petite rivière à plusieurs reprises. La lumière du matin, qui passe à travers les arbres, est superbe. L'arrivée au premier sommet, vers le 13ème kilomètre, nous offre la dernière belle vue du parcours. C'est aussi à ce moment là que la bandelette d'Edith commence à lui causer des problèmes. Elle est très rapide dans les montées mais a de la douleur lors des descentes.
Après une quinzaine de kilomètres, la douleur augmente et Edith est incapable de courir. Même marcher est douloureux, surtout en descendant. Ça ne l'empêche pas d'augmenter l'effort pour marcher encore plus rapidement dans les montées. À quelques kilomètres du ravito, elle doit se rendre à l'évidence qu'elle devra arrêter sa course à cet endroit. Elle tente de descendre les côtes de côté mais ça n'aide pas. C'est dans cette section que les deux meneurs du 125km nous ont dépassés. À 22km du départ, en arrivant au ravito, elle fond en larmes dans mes bras et prend la difficile décision d'arrêter. Je sais que je dois continuer mais c'est difficile de la laisser là. Je jase un peu avec les fermeurs qui nous ont rejoints et je dis à Max qu'il ne me reverrait pas avant la fin du parcours. Après une dernière étreinte, je pars rapidement à l'assaut de la prochaine section. À ce moment de la course, je suis le dernier au classement. Il n'y a que les fermeurs derrière moi.
Je me retrouve sur un petit sentier très étroit et technique mais je suis en pleine forme. Je venais de marcher les 10 derniers kilomètres avec Edith alors mes jambes, mon cœur et mon niveau d'énergie étaient au top. J'ai débouché sur un chemin de VTT juste avant d'être rejoint par les 3ème et 4ème coureurs du 125km. La 4ème était mon amie Jessy. Comme j'étais en forme, j'ai décidé de la suivre un peu. Nous avons partagé 4 ou 5km ensemble en jasant. Même après 90km, tout semblait facile pour elle. Elle est d'une force incroyable et d'une gentillesse inestimable. Au haut d'une côte, lors d'une reprise, je lui ai souhaité bonne chance et l'ai laissé partir car j'étais incapable de tenir le rythme. Elle a finalement gagné la course chez les femmes et terminé troisième au classement général.
J'ai débouché sur un chemin forestier, en gravel, d'une longueur interminable. Le soleil tapait dur sur cette section moche et ennuyante mais heureusement, j'ai pu la partager avec Murielle, une autre amie Facebook que je rencontrais pour la première fois. J'avais mal au ventre et mes jambes me faisait souffrir alors c'était bien de me changer les idées en jasant avec quelqu'un. J'adore courir mais sérieusement, dans cette partie du parcours, je m'emmerdais royalement et j'avais juste le goût d'aller prendre une bière à la ligne d'arrivée. Qu'est-ce qui m'a motivé à continuer et à pousser plus fort? Le fait de savoir qu'Edith aurait tout donné pour continuer et qu'elle ne pouvait pas. C'est d'ailleurs cette pensée qui m'a accompagné pour le restant de la course.
Après le ravito du 40km, j'étais content d'être de retour sur un sentier technique et difficile. La pensée d'Edith me poussait à grimper rapidement et à courir dès que c'était possible. Seulement 8km me séparait du prochain ravitaillement et j'y suis passé rapidement. Depuis un bout de temps déjà, je rattrape des coureurs du 65 et du 80km. C'est là que je me rends compte comment ça a été payant de partir lentement avec Edith. Même après 50km, je me sens encore très fort et je pousse encore plus. Juste en arrivant au dernier ravito, je rencontre un copain du Bromont Ultra avec qui j'avais fait un bout de chemin. Il me reste 8km à faire et les dernières grosses montées sont derrière moi. Je suis bien décidé à donner tout ce qui me reste d'ici la fin de la course. Je me retrouve encore une fois sur un chemin forestier qui semble avoir été bombardé la semaine précédente. Contrairement à plusieurs coureurs que je croise, mes jambes sont encore assez bonnes pour courir cette descente et atteindre la dernière section du parcours. Celle-ci a vu passer tous les coureurs du 10, du 28, du 65 et du 80km. Il y a de beaux trous de bouettes un peu partout et mes ischio-jambiers donnent des signes de crampes à chaque fois que mon pied s'enfonce trop profondément. Ça ne change rien à ma détermination et je continue de courir jusqu'à temps d'avoir une belle vision, à moins de 1km du fil d'arrivée. Edith est là et m'attend. Je me jette dans ses bras avant de poursuivre ensemble, plus lentement, vers le fil d'arrivée. Elle tente quelques pas de course avec moi mais sa jambe est incapable de suivre.
Je passe le fil d'arrivée 10h45 après avoir pris le départ et avoir parcouru 62,7km dans la belle région de Charlevoix. Je suis très heureux d'avoir parcouru ma plus longue distance à vie mais j'ai un gros pincement au cœur de n'avoir pu partager ça avec Edith. Elle semble heureuse pour moi mais je sais combien ça lui fait mal de s'être faite sortir par une blessure. Je termine la course au 168ème rang sur 233 coureurs ayant pris le départ du 65k. Si je ne compte pas les 33 abandons, j'aurai remonté 32 coureurs sur les 40 derniers kilomètres de la course.
Je suis content mais en même temps déçu un peu. J'adore Charlevoix. Je viens de la Côte-Nord et j'ai toujours aimé les paysages de cette région magnifique. Peut-être que mes attentes étaient trop élevées mais j'ai été déçu par le parcours. Je croyais pouvoir admirer de magnifiques points de vue sur la région mais à part les premiers 10-15km, il n'y a rien à voir. J'ai aussi trouvé qu'il y avait trop de sections sur des chemins forestiers en gravier. C'est le seul point négatif car l'organisation était excellente et l'ambiance aussi. Peut-être un autre petit point négatif: j'aurais aimé avoir un chandail inclus dans le prix de l'inscription.
Conclusion
Il faut toujours tirer des apprentissages lors d'une course et celle-ci en fut une excellente de ce côté.
- J'ai été frappé de voir à quel point Edith s'est améliorée en montée depuis le début de l'année. C'est très prometteur pour l'an prochain.
- J'ai fait énormément de progrès en un an pour la montée moi aussi. Mes jambes sont beaucoup plus fortes mais je suis également beaucoup plus efficace. J'utilise aussi beaucoup mieux mes bâtons.
- Ma gestion de course était excellente. Le premier 22km était à 11:30min/km en raison de la blessure à Edith. Sur les derniers 40km, j'étais à 9:30min/km de moyenne et il y avait beaucoup de D+ dans cette section. Après le dernier ravito, pour les 8 derniers kilomètres, j'ai maintenue une vitesse moyenne de 7:40min/km.
- Mon plan de nutrition a fonctionné parfaitement. Une alarme sonnait toutes les 20 minutes sur ma montre pour m'avertir de manger. J'ai engouffré une moyenne de 334 calories par heure avec 65g de glucides. Malgré quelques petites baisses d'énergie (plus mentales que physique), je n'ai frappé aucun mur. Je ne sais pas si j'aurais pu maintenir ce rythme sur une plus longue distance. Mon secret était la variété des aliments consommés. J'ai bu entre 5 et 7 litres d'eau pendant la course.
- J'adore les nouveaux Lone Peak 3.0 d'Altra Running. J'avais seulement fait une trentaine de kilomètres avec eux avant la course. Le grand confort. Aucune ampoule ou douleur et la semelle a bien su protéger mes pieds et surtout mes orteils car je me les ai cognées souvent sur des souches et des roches.
Deux jours après la course, je me sens bien et je n'ai pas de douleur. J'ai des courbatures normales et je dois me retenir pour ne pas aller courir. J'ai appris ma leçon et je ferai un retour très graduel au cours des deux prochaines semaines. En voyant ça, je me dis que mon corps est peut-être prêt à passer au 80 ou au 100km. Ce sera un de mes objectifs pour 2017. Du côté d'Edith, nous allons prendre le temps de bien soigner sa blessure et de reprendre l'entraînement progressivement. La prochaine course en vue est l'UTMA, le 2 juillet 2017, alors ça nous laisse le temps de guérir les bobos et d'établir une bonne base avant de reprendre l'intensité. Je peux déjà vous dire qu'il y aura une portion importante de l'entraînement qui sera consacrée au D+ l'an prochain.